Parce qu'il faut rêver...
Vivre est un éternel combat, que l'on finit toujours par perdre. Nul n'est immortel, tout le monde finit par baisser les bras, par abandonner, par mourir. C'est difficile de se lancer dans une bataille que l'on sait perdue d'avance... Et pourtant il parait qu'il le faut, qu'il faut se battre au quotidien, à n'importe quel prix, parce que la vie est belle qu'on nous dit...
Il y a des phrases comme celle-là qu'on entend depuis l'enfance, qui deviennent presque des vérités pour le coup, tellement on nous les répètes, tellement on cherche à nous le faire croire envers et contre tout. La vie est belle... Alors moi je demande. Qu'est-ce qu'il y a de beau dans la vie? J'aimerais véritablement qu'on me l'explique.
Il serait plus facile d'en finir tout de suite puisque le combat est perdu d'avance. Mais il parait que c'est lâche, que c'est pas moral, que c'est une bêtise, un acte de faiblesse... Je comprends ceux qui disent ça, ils doivent penser "Non mais oh!, nous on va jusqu'au bout y a pas de raisons qu'il y échappe avant, il vivra jusqu'à ce que le destin le décide et puis c'est tout". Bon et bien on va être politiquement correct dans ce cas, pis si ça leur fait plaisir... On va un peu penser aux autres, une fois de plus.
C'est pas très joyeux cette façon de voir les choses, j'en suis bien conscient. Et puis le pire, c'est qu'à force d'entendre des conneries on finirait presque par y croire. La chance tourne, blabla, blabla, les beaux jours sont devant, blabla, blabla, tu aimeras à nouveau, blabla, blabla... Et puis finalement les blabla s'estompent un peu, pour quelques heures joyeuses, et je finis par me dire, ben oui au fond pourquoi pas!
Et alors là je rêve. Je vais au conservatoire, j'en ressors diplômé, j'enchaine les tournées sur les planches, je commence à gagner de l'argent de ma passion, puis ça y est j'entre dans le cinéma pour de bon, je tourne des films, de plus en plus, et puis vient le temps où j'estime avoir la maturité nécessaire pour passer également complétement derrière la caméra, mon premier amour, transmettre des émotions, faire vivre... Ah puis je me met à rêver que le long métrage que l'on va tourner et dans lequel je vais également jouer cet été sera un succès, un vrai buzz, un vrai tremplin...
Après avoir penser à tout ça, je rêve d'amour, je rêve de me réveiller le matin en pensant à celui qu'à priori je ne connais pas encore, je regarde ma montre en comptant les heures qui m'éloignent avant de le revoir, puis quand je le vois je savoure chaque instant, je me sens amoureux, bien, serein, je sens que je peut avancer et lui faire confiance... Et puis les mois passent, on habite ensemble, on parle de famille, d'officialiser les choses...
Je rêve, je rêve et je rêve encore... Ben oui tout le monde autour de moi le dit, "Les jours meilleurs viendront!", alors pessimiste au début je finis par y croire!!! Et là c'est le drame. J'ouvre les yeux, je regarde la cage à lapin dans laquelle je vis, je regarde mes dettes, je pense au fait que je repars à Saint-Dié fin avril et que je n'en ai pas envie, que rien n'ai garantit que je m'en sorte un jour... Le présent et sa triste réalité me gifle de plein fouet.
Alors parfois je m'endors, parfois je rêve de bonheur ou je cauchemarde de réalité, parfois j'étale les médicaments le long du lavabo en écrivant des lettres d'adieux que je n'envoie pas et où je range finalement les médicaments, jamais très loin quand même, on ne sait jamais, où je prends des billets de train pour partir loin quelques jours, où je pleure aussi, oui ça m'arrive aussi ça, de pleurer...
Dans moins d'un mois j'aurais 21 ans. Terminé cette putain d'année des 20 ans. "Le plus bel âge..." qu'on dit. Et quand je regarde devant moi, j'ai l'impression que tout est à faire, tout est à construire, je ne peux m'appuyer sur aucunes bases solides du passé. Alors toujours deux solutions. Je rêve et je pense aux bases solides qui vont se former, à cette belle maison solide et forte qui ne s'écroulera pas... Ou j'ouvre les yeux et tremblants, j'appréhende de mal assembler les briques et de voir, une nouvelle fois, la maison s'écroulée comme un château de cartes.
Je ne survivrais pas à une nouvelle démolition. Alors je prends la décision de choisir le rêve. Oublions les dettes. Oublions les incertitudes. Je rêve, parce que mes rêves, on ne pourra jamais me les prendre... Et surtout parce que je suis un rêveur. Je suis un artiste qui rêve. Un artiste qui ne cherche qu'à vivre pour de bon, et arrêter de survivre. Un rêveur qui voudrait que le petit garçon revienne, le sourire aux lèvres, et qu'il admire heureux ce qu'il est finalement devenu.